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En lait, un virage à 180 degrés vers l’herbe

Anne et Jean-Marc Le Vourc’h apprécient de sortir leurs vaches au pâturage grâce aux chemins aménagés.

Anne et Jean-Marc Le Vourc’h ont réorienté leur système laitier intensif vers un système pâturant, plus économe et moins contraignant.

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« Auparavant, on ne voyait que par la quantité de lait produite. Aujourd’hui, nous produisons moins de lait, mais nous nous en sortons mieux », racontent Anne et Jean-Marc Le Vourc’h, producteurs laitiers à Plounévez-Lochrist (Finistère). Il y a deux ans, le couple a opéré un changement vers un système plus herbager. Un virage qui a été permis à la faveur d’échanges parcellaires.

Roto de 24 postes

Jean-Marc s’est installé en Gaec avec ses parents en 2002. Après leur départ à la retraite, Anne est venue le rejoindre en 2008. « Au fil des reprises, notre exploitation s’est agrandie passant de 40 à 110 vaches et de 30 ha à 112 ha, mais sans augmenter la surface accessible aux vaches qui était de 10 ha », explique Anne.

L’élevage dispose d’un îlot de 30 ha à 15 km et la ferme reprise par Anne n’est qu’à un kilomètre, mais séparée par une route départementale. À l’époque, le Gaec produit jusqu’à un million de litres de lait. La ration est basée sur le maïs ensilage et l’aliment. « Un système intensif avec une bonne productivité pour écraser les charges, notamment le roto de 24 postes mis en place en 2010 », détaille Jean-Marc.

Le roto extérieur de 24 postes permet de réaliser la traite en une heure. La plateforme s’adapte à la taille du trayeur. (©  Isabelle Lejas)

2014 est un premier tournant. « Cette année-là, nous avions 54 ha de maïs à ensiler, ce qui était lourd en matière de logistique », se souvient l’agriculteur. La monoculture de maïs pose aussi des problèmes. Ils décident de réintégrer l’herbe dans la rotation sous forme de prairies de fauche.

Ils investissent dans une faucheuse et un andaineur. Progressivement, la part d’herbe augmente dans la ration et la surface de maïs se réduit à 48 ha, puis à 30 ha. « Techniquement, nous amenions de l’herbe dans la ration, mais économiquement la récolte d’herbe pour stocker coûte cher », analyse toutefois Anne.

Les terres exploitées à 15 km du siège d’exploitation sont situées sur un bassin-versant algues vertes qui soumet toute l’exploitation à ses règles. En 2021, les éleveurs reçoivent une mise en demeure de mettre en place un plan d’action car l’élevage est au-dessus du seuil concernant l’indicateur JPP (jours de présence au pâturage).

« Trois possibilités s’offraient à nous : réduire le cheptel, augmenter la surface pâturable par les vaches ou les laisser en bâtiment pour mieux gérer les déjections, ce qui était inenvisageable pour nous. Nous voulions sortir nos vaches », indique l’éleveuse.

En pleine interrogation, le couple sollicite la chambre d’agriculture pour un audit et fait des visites de fermes. Il prend « une véritable claque » lors de la rencontre avec des éleveurs bio, en système monotraite, très herbager. « Ils ne produisaient que 320 00 litres, mais avaient un meilleur EBE que nous. »

Un échange parcellaire stratégique

Mais comment faire sans plus de surface accessible ? La solution est venue d’un agriculteur voisin qui a décidé d’arrêter le lait à la suite du départ de son salarié pour se consacrer aux légumes. Ce dernier accepte d’échanger une parcelle stratégique pour le couple permettant de relier deux blocs de terre leur appartenant de l’autre côté de la route départementale formant un îlot de 22 ha.

Le choix de construire un boviduc devient une évidence. Avec l’aménagement de chemins et l’installation des réseaux d’eau, l’investissement total représente un coût de 65 000 € qui a bénéficié d’une subvention de 40 % dans le cadre du bassin-versant algues vertes.

Le boviduc fait 11 m de longueur, 2,50 de largeur et 2,2 m de hauteur. Il permet le passage d’un quad couvert Can-Am. (©  Isabelle Lejas)

Depuis la mise en service du boviduc en février 2023, la surface accessible est passée de 10 à 32 ha. À l’automne 2023, seuls 15 ha de maïs ont été ensilés. Les vaches ne reçoivent plus que 500 kg de concentrés par an.

Moins de stocks, moins d’intrants, l’élevage est plus autonome. « Nous n’avons jamais produit aussi peu de lait (820 000 litres) et pourtant nous gagnons aussi bien notre vie », reconnaissent les producteurs qui se versent un salaire de 3 000 € par mois chacun. La charge de travail est aussi allégée et permet de réserver du temps à la famille.

La gestion du pâturage est un nouveau métier. Le couple apprécie ce challenge pour leur deuxième partie de carrière. « Nous n’avons jamais été aussi heureux et bien dans notre tête… et nos vaches également ! »

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